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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/199

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Un inconvénient, sans doute inévitable,
M’imprime une terreur encor plus véritable.
Si j’apprends à Constance un triomphe si doux,
Si ma femme me voit tomber à ses genoux,
Comment daignera-t-elle user de sa victoire ?
Je crains de lui donner moins d’amour que de gloire ;
Je crains que sa fierté ne surcharge mes fers.
On en voit tous les jours mille exemples divers.

Damon.

On en trouve toujours de toutes les especes,
Surtout lorsque l’on cherche à flatter ses foiblesses.
Ce soupçon pour Constance est trop injurieux.

Durval.

Tu ne le connois pas, ce sexe impérieux :
Dans notre abbaissement il met son bien suprême ;
Il veut régner, il veut maîtriser ce qu’il aime,
Et ne croit point jouir du plaisir d’être aimé,
S’il n’est pas le tyran du cœur qu’il a charmé.

Damon.

Ce reproche convient à l’un tout comme à l’autre.
Eh ! pourquoi voulons-nous qu’il soit soumis au nôtre ?
Mais le traitons-nous mieux, quand nous l’avons séduit ?
Notre empire commence où le sien est détruit.
Nous plaindrons-nous toujours, injustes que nous sommes,
De ce sexe qui n’a que le défaut des hommes ?
Quel ridicule orgueil nous fait mésestimer
Ce que nous ne pouvons nous empêcher d’aimer ?