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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/384

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Hortence.

Me consolerez-vous en vous désespérant ?
Des coups de la fortune êtes-vous le garant ?
Vous me plaignez ! Eh ! quoi ! ne peut-on vivre heureuse,
Si ce n’est au milieu d’une Cour orageuse ?
À l’égard de ce bien qui s’est évanoui,
Ne pouvant être à vous, en aurois-je joui ?
En effet, à quoi sert une opulence extrême,
Si l’on ne la partage avec ce que l’on aime ?
Je ne sens pas qu’on puisse en jouir autrement.

Monrose.

Vous l’avez bien fait voir.

Hortence.

Vous l’avez bien fait voir.Et véritablement
Ma ruine fera le repos de ma vie.
Ma liberté me reste ; on l’auroit poursuivie.
L’autorité, contraire à nos vœux les plus doux,
M’auroit voulu forcer à prendre un autre époux.

Monrose.

Peut-être auriez-vous fait son bonheur & le vôtre.

Hortence.

Il dépendoit de vous ; je n’en connois point d’autre.
J’ignore si l’on peut aimer plus d’une fois :
Mais quand on s’est livrée sans réserve à son choix,
Il est bien dangereux de prendre d’autres chaînes.
Que l’on s’apprête un jour de tourmens & de peines !
Sait-on ce que l’on donne ? Est-on bien sûr d’un cœur,
Qu’on arrache de force à son premier vainqueur ?