Eh ! puisque mon amour s’irritoit, à mesure
Que je pouvais vous croire infidele ou parjure…
Non, vous n’avez jamais cessé de m’enflammer.
Hélas ! vous ignorez comme on peut vous aimer !
Depuis que ma fortune, incertaine & flottante,
Me tient dans une triste & douloureuse attente,
Il est vrai, mon amour craignoit de se montrer :
J’ai prévu le néant où je viens de rentrer,
Et je ne suis pas fait pour être téméraire.
Pouvois-je imaginer que j’avois pû vous plaire ?
Et quand je l’aurois sçu, qu’avois-je à vous offrir ?
Je devois vous tromper, afin de vous guérir.
Mais vous l’avez dû voir, même avant mon naufrage,
Je n’osois qu’en tremblant vous offrir mon hommage :
Je ne l’ai jamais cru digne de vos appas.
Si vous n’y suppléez, si vous n’en jugez pas
Par ma discrétion & par ma retenue,
La moitié de mes feux ne vous est pas connue.
Hélas ! que dites-vous ? Croyez que mon devoir
M’empêchoit d’y répondre, & non pas de les voir.
Quel aveu ! Permettez à mon ame ravie
Un transport qui sera le dernier de ma vie.
Je puis donc une fois tomber à vos genoux !
Ah ! devroit-on survivre à des momens si doux ?
Il le faut cependant. Si je vous intéresse,