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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/84

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Léonore.

Tu n’es pas raisonnable.

Nérine.

Tu n’es pas raisonnable.Il seroit trop à plaindre.

Léonore.

Va, ce malheur pour lui ne fut jamais à craindre.
Tu m’assurois pourtant…

Nérine.

Tu m’assurois pourtant…Oui, je croyois d’abord
Que Damon vous aimoit, Madame, j’avois tort.

Léonore.

J’y prends peu d’intérêt. Mais sur quelle assurance
Accuses-tu Damon de tant d’indifférence ?

Nérine.

Si l’on aimoit encore, ainsi que Céladon,
Peut-être je pourrois en soupçonner Damon.
Mais de pareils amans ne sont plus qu’en idée.
À présent une intrigue est bientôt décidée :
On ne se donne plus le tems d’être enchaîné :
L’amour prend son essor aussi-tôt qu’il est né.
Dès qu’on aime, on en fait un récit infidele ;
On exagere un feu qui n’est qu’une étincelle ;
Pour mieux en assurer l’objet de son amour,
Un amant en instruit & la Ville & la Cour.
La sotte vanité conduit tout le mystere ;
Et la fatuité l’empêche de se taire.
Si Damon vous aimoit, il en eût fait l’aveu.
Ainsi nous nous trompions… Cela vous fâche un peu ?