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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/101

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Sainville.

Et parce que j’ai tort, m’abandonneras-tu ?

Juliette.

La bonne volonté fait toute ma vertu :
Mais je suis sans crédit ; je rougis de le dire.
Certaine Gouvernante a sur elle un empire,
Que, pendant votre absence, elle a jusqu’à ce jour
Acquis, malgré moi-même, aux dépens de l’amour.

Sainville.

Mais, malgré cette femme, au moins je puis écrire.

Juliette.

Et l’on refusera constamment de vous lire ;
Car ce maudit Argus pense à tout, n’omet rien…
Écrivez cependant.

Sainville.

Écrivez cependant.Je m’en garderai bien.
Ah ! c’en est trop enfin… je ne veux rien entendre ;
Puisqu’on me rend mon cœur, il faut bien le reprendre ;
Puisqu’on brise ma chaîne, il faut bien en sortir.
Non, je ne prétends pas perdre mon repentir.
Laisse-moi, c’est en vain que la perfide y compte :
J’aime encor mieux mourir de rage que de honte :
J’aurois vécu pour elle, & je vivrai pour moi.
Que je suis soulagé d’avoir repris ma foi !
Que je vais désormais vivre heureux & tranquille !
Tu le veux, j’écrirai ; mais ce sera d’un style…
Elle apprendra qu’on peut cesser de l’adorer.

Juliette.

Perdez-vous la raison ? Au lieu de réparer…