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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/100

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Sainville.

L’espoir n’a donc servi qu’à mieux m’assassiner.
(à Juliette.)
Eh ! quoi ! tu fuis !

Juliette.

Eh ! quoi ! tu fuis !Je crains de vous importuner.

Sainville.

Parle donc, ton silence augmente mon supplice.
Tu ne te tairois pas, si tu n’étois complice.

Juliette.

Mais en serez-vous mieux, quand je vous aurai dit,
Que jusqu’à la rupture on pousse le dépit,
Qu’à l’amour d’Angélique il ne faut plus prétendre,
Et qu’elle ne veut plus vous voir ni vous entendre ?

Sainville.

On ne peut donc jamais former qu’un nœud fatal.
Il n’est donc que trop vrai que tout choix est égal.
À tout âge, en tout lieu, l’amour n’est qu’en idée.
Enfin, c’en est donc fait, ma perte est décidée :
Je n’ai donc plus ce cœur que j’avois enflammé.

Juliette.

Jugez-vous. Quand on a le bonheur d’être aimé,
Il faudroit résider auprès d’une Maîtresse,
Cultiver par soi-même, & nourrir sa tendresse.
L’amour qu’on nous inspire exige bien du soin ;
Des yeux qui l’ont fait naître, il a toujours besoin ;
La moindre négligence y porte un coup funeste.
Est-ce que notre cœur a des forces de reste ?