Aller au contenu

Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Angélique.

L’honneur est donc toujours l’ennemi de l’amour ?

La Gouvernante.

Non vraiment ; au contraire, il l’approuve à son tour.

Angélique.

Et pourquoi donc le mien vous semble-t-il un crime ?

La Gouvernante.

C’est qu’il faut que l’amour ait un but légitime.
Puisque vous m’y forcez : devez-vous ignorer
Que pour pouvoir aimer sans se déshonorer,
Il faut qu’un doux espoir mieux fondé que le vôtre,
Assortisse deux cœurs qui soient faits l’un pour l’autre ?

Angélique.

Eh ! Pour qui donc Sainville & moi sommes-nous faits ?

La Gouvernante.

Que de faiblesse encor ! Que j’en crains les effets !
(à part).
Sans nous trop avancer, ôtons-lui l’espérance
Qu’elle ose concevoir contre toute apparence.
(haut).
Ma fille, (vous m’avez permis un si doux nom,)
Il faut, à vous guérir, forcer votre raison.
Non, ce n’est point à vous que le Ciel le destine :
Peut-il s’associer avec une orpheline
Inconnue, & d’ailleurs réduite à ses attraits,
Qui n’a ni bien, ni rang, qui n’en aura jamais ?
Sur la Baronne en vain vous fondez votre attente.

Angélique.

Et par quelle raison ? N’est-elle pas ma tante ?