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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/135

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Sainville.

Que me reprochez-vous ?Une épreuve cruelle.

Angélique.

Eh ! n’avois-je pas lieu de vous croire infidelle ?

Sainville.

Cruelle ! On vous aidoit à vous l’imaginer ;
mais au fond du désert où l’on va vous mener,
On ne tardera guere à vous le faire croire,
À noircir un absent par quelque fausse histoire
Que l’on aura grand soin de circonstancier ;
Et je n’y serai point pour me justifier.
Vos feux ne pourront pas se nourrir de leurs cendres.

Angélique.

Ne m’écrirez-vous pas ?

Sainville.

Ne m’écrirez-vous pas ?Les lettres les plus tendres
Ne peuvent soutenir long-tems un foible cœur :
Notre ennemie alors usera de noirceur ;
Les unes en secret seront interceptées ;
Les autres à son gré seront interprétées.
La perfide saura, d’un air doux & trompeur,
Vous fasciner les yeux de l’esprit & du cœur.

Angélique.

Mais je les lirai seule.

Sainville.

Mais je les lirai seule.Elle les aura vûes :
Vous n’en recevrez point qu’elle ne les ait lûes ;
Elle s’en servira, vous dis-je, à mes dépens,
Et les supprimera quand il en sera temps.