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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/141

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Le Président.

Vous me croyez, du moins, un peu trop politique.
Eh ! prenez, ou laissez les hommes tels qu’ils sont,
Tout aussi-bien que vous, je les connois à fond :
Mais je suis envers eux, avec moins de rudesse,
Indulgent par lumiere, & non pas par foiblesse.
Mais revenons enfin. Ce Juge en question
Fut chargé d’un procès, dont la décision
Devoit, à son rapport, regler la destinée
De gens de qualité qu’un heureux hyménée
Venoit d’unir.

Sainville.

Venoit d’unir.Laissons la noblesse du sang :
Aux yeux de l’équité tous ont le même rang.
Pesons les droits réels : la plus haute naissance
Ne doit pas faire un grain de plus dans la balance.

Le Président.

Oui, mais tout l’embarras est de bien rencontrer ;
Souvent le meilleur droit ne sçait pas se montrer :
Car vous n’ignorez pas qu’il n’est rien que n’employe
Ce monstre ingénieux à poursuivre sa proye,
Dont le métier cruel, & cependant permis,
Est souvent de corrompre ou d’égarer Thémis.
À ce fléau funeste, à ce mal sans remede,
Ajoutez pour surcroît que la main qui nous aide
Peut se laisser surprendre, ou gagner. En effet,
Ne sçauroit-on nous faire un infidele extrait ?

Sainville.

Tout Juge qui s’en sert a tort : c’est mon systême ;
Jamais il n’est trop bon pour voir tout par lui-même :