Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/102

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core amoureux des belles statues du palais Mazarin ; et il faut bien que l’amour de cet homme portât malheur, puisque ces pauvres statues en ont éte punies si cruellement, aussi bien que moi, quoiqu’elles ne fussent pas plus criminelles.

Il ne tenoit pas à ma sœur la connétable que je n’aimasse quelque chose, de même que j’étois aimée. Comme elle avoit un attachement sincère pour le Roi, elle auroit bien souhaité de me voir quelque foiblesse semblable. Mais mon extrême jeunesse ne me permettoit pas de m’attacher à rien ; et tout ce que je pouvois faire pour l’obliger, c’étoit de témoigner quelque complaisance particulière pour ceux des jeunes gens, que nous voyions, qui me divertissoient davantage, dans les jeux d’enfants qui m’occupoient alors. La présence du Roi qui ne bougeoit du logis, les troubloit souvent. Quoiqu’il vécût parmi nous avec une bonté merveilleuse, il a toujours eu quelque chose de si sérieux et de si solide, pour ne pas dire de si majestueux, dans toutes ses manières, qu’il ne laissoit pas de nous imprimer le respect, même contre son intention. Il n’y avoit que ma sœur la connétable qu’il ne gênoit pas, et vous comprenez aisément que son assiduité avoit des agréments, pour ceux qui en étoient cause, qu’elle n’avoit pas pour les autres.

Comme les choses que la passion fait faire paroissent ridicules à ceux qui n’en ont jamais senti, celle de ma sœur l’exposoit souvent à nos railleries. Une fois, entre autres, nous lui fîmes la guerre de ce qu’apercevant de loin un gentilhomme de la maison, qui étoit de la taille du Roi, et qu’elle ne