Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui vouloit me rendre la plus malheureuse personne de mon sexe, commença, en faisant semblant de me vouloir faire Reine, et il n’a pas tenu à elle qu’elle ne m’ait rendu odieux le parti qu’elle me destinoit, par la comparaison de ceux dont elle me flatta d’abord. Cependant je puis me rendre ce témoignage, que ces illustres partis ne m’éblouirent pas ; et M. Mazarin n’oseroit dire qu’il ait jamais remarqué en moi de vanité qui fût au-dessus de ma condition. Tout le monde sait les propositions qui furent faites à diverses reprises de me marier avec le roi d’Angleterre ; et pour le duc de Savoie, vous savez ce qui s’en dit, au voyage de Lyon4, que l’affaire ne rompit que par le refus où M. le cardinal s’obstina d’abandonner Genève, en considération de ce mariage. Nous logions en Bellecour, et les fenêtres de nos chambres qui répondoient sur la place, étoient assez basses pour y monter aisément. Mme de Venelle, notre gouvernante, étoit si accoutumée à faire son métier de surveillante, qu’elle se levoit même en dormant pour venir voir ce que nous faisions. Une nuit entre autres que ma sœur dormoit la bouche ouverte, Mme de Venelle, la venant tâtonner à son ordinaire en dormant aussi, lui mit le doigt dedans si avant, que ma sœur s’en réveilla en sursaut, en la mordant bien serré. Jugez quel fut leur étonnement de se trouver toutes deux dans cet état, quand elles furent tout à fait éveillées : ma sœur se mit en une colère étrange ; on en fit le conte au Roi le lendemain, et toute la Cour en eut le divertissement.



4. En 1658.