Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/121

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lui parler, il ne lui laissa jamais le temps de rien dire, et elle n’en put tirer autre chose, sinon qu’elle ne pouvoit point avoir d’affaire assez pressée avec lui pour le venir trouver à une heure si indue, et que si elle avoit à lui parler, il allait le lendemain matin à Saint-Germain, et qu’il lui donnait rendez-vous à la croix de Nanterre. Mme Bellinzani étant revenue aussi indignée que nous d’une raillerie si hors de raison, il fut conclu que j’irois coucher chez Mme de Bouillon.

Le lendemain, toute la famille s’y étant assemblée pour mon affaire, Mme la Comtesse11 fut chargée d’en parler au Roi. Il la reçut le mieux du monde, et Mme la princesse de Carignan eut ordre de me venir prendre pour m’emmener à l’hôtel de Soissons. J’y fus environ deux mois, au bout desquels je fus obligée de retourner avec M. Mazarin, sans qu’il me rendît même mes pierreries, et sans autre avantage pour moi, que de pouvoir chasser quelques femmes qu’il m’avoit données et que je n’agréois pas. Ce fut la seule faveur que je pus obtenir. Quand je voulus m’obstiner aux pierreries, Mme la Comtesse fut la première à me dire que je faisois une vilainie. J’eus toujours la Cour contre moi depuis ce temps. On sait ce que cela emporte en toute sorte d’affaires, et je dis au Roi à ce propos, que je me consolerois de voir M. Mazarin si favorisé contre moi, s’il l’étoit également en tout, et si le peu de support qu’il trouvoit dans ses autres intérêts, ne faisait pas voir qu’il n’avoit d’autres amis que mes ennemis.



11. Mme la comtesse de Soissons.