Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/124

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assez mal conseillé pour s’obstiner à me faire garder une femme que je ne voulois plus. Cette difficulté de bagatelle me fit ouvrir les yeux, et me donna le temps de penser mieux à ce que je faisois. Mes amis eurent la charité de me faire comprendre le peu de sûreté qu’il y avoit à m’aller mettre à la discrétion d’un homme de ce caractère d’esprit, dans un pays si éloigné, et où il avoit une autorité absolue ; qu’après les choses qui s’étoient passées, il falloit que je fusse folle pour espérer d’en revenir ; qu’il avoit déjà fait partir mes pierreries par avance, et que ce ne pouvoit être que pour se retirer tout à fait dans ce gouvernement, où sa conduite ne seroit pas éclairée comme elle étoit à Paris, et où mes amis, quelque besoin que j’eusse d’eux, ne pourroient plus faire pour moi que des vœux inutiles.

Ces considérations, qui n’étoient que trop bien fondées, me firent réfugier chez Mme la Comtesse la veille du départ de M. Mazarin, de peur qu’il ne m’emmenât par force avec lui. J’étois si troublée de me voir réduite de nouveau à cette nécessité, que j’oubliai même d’emporter mes petites pierreries, qui m’étoient toujours demeurées pour mon usage, et qui pouvoient bien valoir cinquante mille écus. Comme c’étoit le seul bien du monde que j’avois à ma disposition, Mme la Comtesse eut la prévoyance de me les demander d’abord qu’elle me vit ; et cela fut cause que je pus les envoyer querir assez à temps pour les avoir. Il vint le lendemain demander ce que je voulois. On lui dit deux choses : ne point aller en Alsace, et qu’il rendît mes grosses pierreries qui étoient déjà parties, et qui avoient été la première cause de nos diffé-