Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’aigrir les autres ; e’t ils m’abandonnèrent bientôt entièrement à ses soins.

Ce fut à cette quarantaine que la Louvière me joignit ; je remis à me résoudre sur ce qu’il me proposa quand je serois à Milan. J’y arrivai peu de jours après par la faveur du duc de Seste qui en étoit gouverneur et beau-frère de M. le connétable ; il sut comment j’étois arrêtée à Altorf, et me fit grâce de dix-huit jours. Ma sœur et M. le connétable me vinrent joindre à une maison à quatre journées de Milan où nous fûmes quelques jours, et de là à Milan même, où nous reçûmes neuf courriers de Paris dans six semaines que nous y demeurâmes. J’appris qu’aussitôt après ma fuite tout s’étoit déclaré pour moi contre M. Mazarin ; que M. de Turenne même avoit parlé au Roi en ma faveur, et que ma résolution avoit donné tout ensemble de l’admiration et de la pitié à tout le monde raisonnable ; mais que les choses avoient bien changé dans la suite, puisque tous mes parents s’étoient joints, peu de jours après, au procès que M. Mazarin avoit intenté contre mon frère et M. de Rohan pour les accuser de m’avoir enlevée. Je sus encore qu’il avoit envoyé un commissaire après moi, informer de gite en gîte de tout ce que j’avois fait, et c’est peut-être la seule obligation que je lui aie, puisque le procès-verbal de cet homme, qui est enregistré au Parlement, est un témoignage éternel de l’innocence de ma conduite pendant ce voyage, contre tout ce que mes ennemis en ont publié. Mais ce n’étoit pas encore la meilleure pièce de son sac. J’avois écrit à mon frère et à M. de Rohan en partant de Neuchatel ;