Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/148

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Ensuite il continue par des remercîments de ce que je lui avois écrit, et par des nouvelles de sa santé qui ne veulent rien dire ; après quoi il poursuit de cette sorte :

Vous saurez, cependant, que votre cher epoux
S’informe à tout le monde incessamment de vous :
Il me vint voir un soir d’un air acariâtre,
Et se moqua de moi, me parlant du théatre.
Le beau duc de Navaille au teint hàve et plombé,
Par son raisonnement m’avait presque absorbé,
Près d’une heure avec moi, tous deux ils demeurèrent,
Et vous fûtes toujours le sujet qu’ils traitèrent.
Monsieur de Mazarin poursuit de vous braver,
Et fait courir le bruit qu’il veut vous enlever.
Il dit qu’il n’est ni roi, reine, empereur, ni pape,
Qui puisse l’empêcher qu’un jour il ne vous happe.
Polastron s’est offert à l’exécution
D’une si témeraire et perfide action.
Pour moi je vous conseille en ce besoin extrême,
D’implorer de Louis l’autorite suprême.
Qu’il serve de bouclier à ce noir attentat,
Qu’a formé contre vous un époux trop ingrat, etc.

le reste n’est rien. Comme je montrois cette lettre à quelques amies, le comte de Grammont qui survint me l’arracha, et la porta au Roi : elle fut lue tout haut en sa présence, et il n’y eut de toute la Cour qu’un de ses chirurgiens, nommé Éliam, qui s’en scandalisa. Cette homme, qui apparemment étoit fort zélé pour ses malades, entendant lire :

Le beau duc de Navaille au teint hâve et plombé,

ne put s’empêcher d’interrompre, que cela n’étoit rien, et qu’on le purgerait bientôt.

Ce fut pourtant sur des pièces si convaincantes