Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/174

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de l’amour, avec les sentiments d’une mère qui ne veut donner que de la pitié : vous cherchez à nous rendre sensibles à ses infortunes, et vous nous trouvez sensibles à vos charmes. Les choses tristes et pitoyables rappellent nos cœurs secrètement à la passion qu’ils ont pour vous ; et la douleur que vous exigez pour une malheureuse, devient un sentiment naturel de nos propres maux.

On ne le croiroit pas sans en avoir fait l’expérience : les matières les plus opposées à la tendresse, prennent un air touchant dans votre bouche : vos raisonnements, vos disputes, vos contestations, vos colères ont leurs charmes ; tant il est difficile de trouver rien en vous qui ne contribue à la passion que vous inspirez. Il ne sort rien de vous qui ne soit aimable : il ne se forme rien en nous qui ne soit amour.

Une réflexion sérieuse vient m’avertir que vous vous moquerez de tout ce discours ; mais vous ne saurez vous moquer de mes foiblesses, que vous ne soyez contente de votre beauté ; et je suis satisfait de ma honte, si elle vous donne quelque satisfaction. On sacrifie son repos, sa liberté, sa fortune, la gloire ne se sacrifie point, dit Montaigne. Je renonce ici à notre Montaigne, et ne refuse pas d’être ridicule pour l’amour de vous ; mais on ne sauroit vous faire un sacrifice de cette nature-là : il ne peut y