Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/35

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nous prêtant un sentiment plus tendre, pour souffrir tous les maux qu’elle fait.

Dans la condition où je suis, mon plus grand soin est de me défendre de ces sortes d’attendrissements. Quoique je montre un air assez douloureux, je me suis rendu en effet presque insensible : mon âme, indifférente aux plus fâcheux accidents, ne se laisse toucher aujourd’hui qu’aux offices de quelques amis, et à la bonté qu’ils m’ont conservée. Depuis quatre ans que je suis sorti du royaume, j’ai éprouvé, de six mois en six mois, de nouvelles rigueurs, que je rends aussi légères que je puis, par la facilité de la patience. Je n’aime point ces résistances inutiles, qui, au lieu de nous garantir du mal, retardent l’habitude que nous avons à faire avec lui.

D’ailleurs, ceux qui peuvent tout, ne nous rendent pas aussi malheureux qu’ils le pourroient, quand ils rencontrent de la docilité à leurs ordres. L’opposition aigrit leur volonté, et ne diminue rien de leur pouvoir. Cette soumission pour les maîtres me dispose insensiblement à souffrir de ceux qui ne le sont pas. Je m’entends blâmer souvent mal à propos ; et après une justification légère, pour ne pas aigrir le monde par trop de raison, j’attends patiemment qu’il se détrompe de lui-même ; et véritablement, il faut plus attendre du temps que de ses raisons. Dans la chaleur d’une mé-