Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/112

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écrit tout à la fois l’éloge et la critique ? elle étoit moins gênée avec Saint-Évremond, ami intime de ses deux fils, il est vrai, mais qu’elle ne voyoit plus, depuis qu’elle étoit à Port-Royal. Lorsque parut l’opuscule de Saint-Évremond, dans le volume de Barbin, en 1668, personne n’a crié au plagiat ; et remarquez que Barbin étoit l’éditeur même de La Rochefoucauld. La société de ce temps savoit à quoi s’en tenir sur la propriété des Maximes. Depuis vingt ans, elles étaient discutées, retournées en tout sens, dans les salons. Tout le monde y avoit mis la main. La Rochefoucauld avoit été un intime ami de Saint-Évremond15 ; il connoissoit parfaitement le petit écrit de ce dernier ; il ne se gêna pas pour reprendre les mêmes idées. Saint-Évremond n’étoit pas à Paris, pour réclamer ; car c’étoit le moment le plus rigoureux de son exil. La Rochefoucauld ne peut même être tenu plagiaire, pour ce fait ; car les Maximes étoient, à vrai dire, l’ouvrage de toute une société ; nul ne les avoit inventées. C’étoit une observation fine et délicate, dont la formule étoit en quelque sorte arrêtée en commun, et à laquelle chacun ajoutait un trait, un tour particulier. La Rochefoucauld s’est mis tellement à l’aise, à cet égard, que, non content de l’expression de trafic, prise de Saint-Évremond en 1665, il l’a développée, dans sa dernière édition de 1678, en copiant un autre mot de Saint-Évremond, celui de commerce, qui depuis dix ans étoit imprimé dans le volume de Barbin, et même dans deux éditions


15. Voy. la Conversation du duc de Candale, infra, t. II, pag. 187.