Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme de Sablé sa maxime sur l’amitié : L’amitié la plus désintéressée n’est qu’un trafic, où notre amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. »

Je crois que ce quelqu’un-là est plutôt Saint-Évremond que La Rochefoucauld ; et je crois de plus, ce qui est un moyen de me raccommoder, sur-le-champ, avec M. Cousin, que La Rochefoucauld, quinze ans plus tard, n’a fait que copier Saint-Évremond.

Il est prouvé que Mme de Sablé avoit composé son écrit sur l’amitié, bien longtemps avant la publication des Maximes de La Rochefoucauld, laquelle est de l’année 1665. En 1660, Mme de Sablé communiquoit cet écrit à d’Andilly, dont la réponse, datée du 28 janvier 1661, est rapportée par M. Cousin. On voit, par là, quelles étoient les habitudes de la société de ce temps. Toute une littérature y circuloit en manuscrit, et à petit bruit, à l’usage d’un petit nombre de lecteurs, qui ne souhaitoient pas d’autre publicité. C’étoit, pour les auteurs, une sorte de distinction littéraire que de n’être pas dans les mains de tout le monde. La littérature de la bonne compagnie restoit alors longtemps sous clef ; aussi, quel butin y a recueilli M. Cousin, quand il a pu fouiller dans ces papiers.

On est informé, d’un autre côté, que Mme de Sablé s’employa beaucoup, pour assurer le succès des Maximes de La Rochefoucauld, qui étoit de sa société la plus intime ; elle le défendit envers et contre tous ; elle envoya même au Journal des Savants un article approbatif, qu’elle avoit communiqué à La Rochefoucauld. Est-il vraisemblable qu’elle ait