Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/144

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n’eût, au fond de sa province, un Montaigne, sur le manteau de sa cheminée ; et le Père Mersenne, sonnoit le tocsin d’alarme, dans les premiers ans du dix-septième siècle, en écrivant qu’il y avoit à Paris 50 000 athées. Le dogmatisme régnoit encore dans les écoles ; mais le scepticisme régnoit déjà dans le monde.

Depuis l’invention de l’imprimerie, une autre école s’étoit ouverte, pour l’éducation de l’esprit, et pour la propagation des idées. L’intelligence avoit, au moyen âge, son foyer dans les universités, et son public dans les couvents. Depuis la divulgation de l’art divin de Guttemberg, comme il l’appeloit, le public tout entier, le monde en un mot, put s’instruire par lui-même, et tout seul ; et l’esprit du monde prit, dès lors, le gouvernement de l’opinion. Montaigne s’est emparé de ce public ; il s’est rendu l’organe de la révolution opérée dans les idées. En dehors de l’école, en face d’elle, et contre elle, il a parle une langue que tout le monde a comprise ; et sa doctrine s’est répandue facilement, rapidement, universellement ; elle résumoit l’esprit public. Aussi n’est-ce point par les formes de l’école qu’à procédé Montaigne : il ne les aima jamais, et les tenoit de mauvais goût. C’est à l’aide des formes du monde, qu’il a propagé le scepticisme, enfant du siècle.

Il est facile de suivre les progrès du scepticisme, au seizième siècle. Un certain plaisir d’inquiéter la théologie, alors si oppressive, y fut d’abord pour quelque chose. La découverte de pays lointains, et la lecture attrayante des relations des voyageurs, qui attestoient tant de diversité parmi les hommes,