Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sances, une sorte d’obligation religieuse. « M. Bernier, dit Saint-Évremond, me dit un jour : ‹ Je vais vous faire une confidence que je ne ferois pas à Mme de la Sablière, à Mlle de Lenclos même, que je tiens d’un ordre supérieur. Je vous dirai donc que l’abstinence des plaisirs me parait un grand péché. › Je fus surpris de la nouveauté du système ; il ne laissa pas que de faire quelque impression sur moi. » On devine la série de déductions par où les épicuriens arrivoient là. Saint-Évremond, qui cumuloit ces diverses délicatesses, dit ailleurs : « Si je suis obligé de regretter quelque chose, mes regrets seront plutôt des sentiments de tendresse, que de douleur. Si pour éviter le mal, il faut le prévoir, ma prévoyance ne va pas jusqu’à la crainte. Je veux que la réflexion de me voir libre et maître de moi, me donne la volupté spirituelle du bon Épicure : j’entends cette agréable indolence, qui n’est pas un état sans douleur et sans plaisir ; mais le sentiment délicat d’une joie pure, qui vient du repos de la conscience et de la tranquillité de l’esprit. »

Une telle division entre des adeptes de même école ne doit pas nous étonner. Dès la plus haute antiquité, les disciples d’Épicure s’étoient partagés sur le sens et la portée de la maxime du maître, que la sagesse n’étoit que l’art de la vie, et que bien vivre, c’étoit vivre selon la nature : les uns tournant, selon leur inclination, à la volupté sensuelle, les autres à la volupté supérieure de l’esprit. De là vient que, selon ces aspects divers, Épicure est resté pour les uns un apôtre de débauche, et pour les autres un apôtre de vertu. Parmi les Pères de