Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des hommes, et où, pour être sûr de tout, il suffisoit d’être sûr de soi-même. » Il ne fait point de prosélytes à la religion, mais il la respecte, même dans un écrit assez agressif, son Prophète Irlandois. Il ne vit pas de polémique, comme Pierre Bayle ; mais, pratiquant la liberté de penser, s’il combattit peu pour elle, il en donna toujours l’exemple, et nul exemple ne fut plus influent sur la société du dix-septième siècle, soit en France, soit en Angleterre. La morale chrétienne n’a même pas, à l’occasion, d’apologiste plus persuasif. En respectant la religion, il croyoit se respecter lui-même, et si ce sentiment n’étoit pas celui de la piété, il lui sembloit, du moins, être celui d’un honnête homme.

On n’apprécie pas assez, peut-être, même après les belles pages écrites par M. Cousin8, l’étendue des services qu’a rendus Descartes, en présence du scepticisme épicurien qui, profitant de la chute de la scolastique, avoit, en quelque sorte, pris possession de la société françoise. Si la religion étoit jadis un instrument de fanatisme, entre les mains de Philippe II, elle étoit depuis longtemps, en France, un instrument de politique, et ce spectacle pernicieux produisoit de funestes résultats. La raison philosophique étoit en état de révolte contenue, mais déclarée, surtout en ce qui touche le dogme fondamental de l’âme et de sa destinée. Le spiritualisme battu en brèche résistoit foiblement aux attaques des sceptiques. Le jansénisme seul lui venoit en aide ; mais Richelieu, craignant de donner trop d’influence



8. Voy. ses Études sur Pascal, et ses Fragments de philosophie cartésienne.