Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/214

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chant la paix de Bordeaux, qui fut faite ainsi et comme il voulut. Mais je crois à la causticité de Saint-Évremond, et ses sarcasmes ont suffi pour motiver la correction que lui infligea Mazarin remonté au faîte du pouvoir. Saint-Évremond avoit servi la cause du Roi plutôt que celle du ministre, et bien qu’il ait rendu justice à l’habileté politique de celui-ci17, on voit clairement qu’il avoit une médiocre estime de sa personne, même au temps où il vivoit dans l’intimité de la duchesse sa nièce18. Mazarin étoit, il y paroît, peu supportable dans le privé. On sait comment ses nièces l’ont traité, dans leurs Mémoires. Colbert ne l’a admiré qu’après sa mort ; il l’aima peu pendant sa vie, tout en le servant19.

Les prétentions de Mazarin à la science de la guerre étoient d’un ridicule intolérable, aux yeux des généraux : l’histoire en a consigné le souvenir ; il falloit faire la guerre à sa guise, et c’étoit un cri universel contre lui. On connoît l’apostrophe de Condé : Adieu Mars. Il est probable que, dans la guerre de Guienne, où le duc de Candale ne lui imposoit pas autant que Turenne et Condé, le cardinal se donna plus librement les airs de capitaine, et que la société du duc, où brilloit Saint-Évremond, ne se refusa point, dans les salons de Paris, les épigrammes à cet égard. Saint-Évremond paya pour tout le monde.


17. Voy., au tome II, infra, la dissert. sur le mot vaste, et le parallèle entre Mazarin et Richelieu.

18. Voy. infra, même tome II, l’Oraison funèbre de la duchesse Mazarin, p. 475 et 476.

19. Voy. les détails curieux de M. Clément, p. xxviii et suiv. du tome I de la Correspond. de Colbert.