Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/22

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chers de notre auteur. Un des grands écrivains de notre époque n’a rencontré malheureusement que deux fois Saint-Évremond, sur son passage, dans ses études brillantes sur le dix-septième siècle ; mais, en le coudoyant, avec rapidité, il le reconnoît pour émule de la Rochefoucauld, et de la Bruyère même. Dès 1842, un article remarquable de M. Macé, publié dans la Revue des deux Mondes, avoit rappelé l’attention sur la personne et les écrits, si négligés alors, de notre philosophe. Depuis cette époque, M. Hippeau, dans des Œuvres choisies ; l’estimable historien de la Littérature françoise à l’étranger (1853), et l’auteur du volume piquant qui a pour titre, la Littérature indépendante et les écrivains oubliés (1862), ont suivi la même voie ; et l’équité veut que nous reconnoissions ce qui leur est dû à cet égard.

Saint-Évremond est, avant tout, l’homme de la délicatesse. Il est moins nerveux que la Bruyère, moins profond que la Rochefoucauld, mais il est plus délicat. Sa manière nous charme, parce qu’elle ne tourne pas à l’affectation, comme chez Fontenelle ; et sa sérénité nous enchante, parce qu’elle dévoile un cœur droit et bon, pour lequel on éprouve de l’attrait. Ne cherchez pas dans ses ouvrages la majesté simple et forte de Pascal, la magnificence entraînante de Bossuet, la limpidité délicieuse de Fénelon. Mais, si votre âme est sensible aux agréments de ce beau monde du dix-septième siècle, aux finesses ingénieuses de l’esprit de ce temps, et à l’expression gracieuse des sentiments, des opinions d’une société cultivée et choisie ; si votre philosophie s’accommode des analyses discrètes d’un sensua-