Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/23

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lisme doux, civil, mesuré, en quelque sorte intime, et des conclusions indulgentes d’un scepticisme aimable et de bon goût, revêtues des formes les plus souples et les plus élégantes de la langue, Saint-Évremond sera votre auteur favori.

Bien qu’on lui reproche d’être inégal et négligé, il y a de l’art dans son style, et beaucoup d’art ; toutefois, son allure dégagée sent le gentilhomme, plutôt que l’homme de lettres. Il n’a jamais écrit à la façon d’un auteur de profession, avec le public devant les yeux ; mais par occasion, par complaisance, pour amuser sa société. La sollicitation, la curiosité, ou l’indiscrétion ont fait la publicité de ses ouvrages. Tels nous voyons les grands seigneurs et les grandes dames de cette époque, toujours la plume à la main, sans avoir l’air de se douter qu’il y a un art d’écrire, ni un métier d’écrivain ; et, en effet, ce qui distingue leurs ouvrages, c’est une teinte inimitable de simplicité négligente, et de bon goût naturel. Si Saint-Évremond est quelquefois un homme de lettres consommé, il s’applique à ne jamais le paroître.

Doué d’une heureuse flexibilité, tour à tour philosophe, historien, moraliste : la critique liltéraire et historique, la poésie légère, l’art épistolaire ont exercé son talent, avec un égal succès. Alliant le scepticisme de Montaigne au sensualisme d’Épicure, il a préparé les voies aux libres penseurs du dix-huitième siècle, tout en se préservant de leurs écarts. L’épicuréisme agréable qui se remarque en ses ouvrages, fut un des traits caractéristiques de la société françoise, sous la régence d’Anne d’Autriche. Il disoit lui-même, dans ses vieux jours