Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/243

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brosse, qui fit le jardin du roi, se disoit gaiement un pourceau d’Épicure : combien, dit Guy Patin, qu’Épicure valut mieux que lui. Je n’oserois répéter le propos de Labrosse sur la chapelle qui décoroit son jardin. Mme de Motteville avoit une sœur qui finit ses jours aux Carmélites de Chaillot, et qui avoit pris le nom de sœur Socratine. Le grand Arnaud disoit de Mme de Sévigné, en son jeune âge, qu’elle étoit une jolie payenne.

Saint-Évremond fut bien près de cette payenneté : bonnement épicurien, sceptique en morale, comme en dogme. Voyez son fameux problème à Mlle de Kéroualle. Mais son doux scepticisme est tout accorte ; il ne tient pas à faire des prosélytes : c’est le plus commode des moralistes et ses conseils sont les plus faciles à suivre. Il aime le charme ; il se garde de l’entraînement. En général, les épicuriens de cette époque eurent de la sagesse. Ninon de Lenclos quitta Paris, pour ne se brouiller avec personne, sous la Fronde. Pour les Romains délicats, l’épicuréisme avoit été la science de la vie. Tel il est encore pour Saint-Évremond, et c’est de ce point de vue qu’il apprécie l’influence de l’amour sur la société qui l’entoure10.

Il se félicite que l’usage du monde et la philosophie aient naturalisé, en France, le correctif du bon sens, dans l’emploi de l’amour, même au point de vue littéraire : à l’opposé de ce qu’on voyoit en Espagne, où soit dans la vie réelle, soit au théâtre, l’amour dégénéroit en folie. Huet aussi l’avoit re-


10. Voy. surtout le Fragment XII, p. 370 et suiv. de notre T. II : Sur nos Comédies.