Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/261

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sentiments humains. Tel est quelquefois la Bruyère lui-même ; tel est presque toujours Vauvenargues. Tel n’est jamais Saint-Évremond, qui, en nous montrant les ressorts les plus cachés des sensations, et les mobiles les plus secrets des âmes, s’émeut doucement, à cette étude, et s’anime d’une sympathie fraternelle pour les pauvres mortels. Vauvenargues semble affecter de ne pas connoître Saint-Évremond qui lui demeure supérieur. Le jeune et brave officier de la retraite de Prague n’a point la délicatesse aimante de Saint-Évremond ; une certaine sécheresse a passé sur son cœur. Cependant Vauvenargues a traité de l’amitié, de l’amour même. Il n’approche pas de la finesse et de la sensibilité de l’épicurien du dix-septième siècle ; et il reste bien éloigné du charme de Mme de Lambert, qui n’était point épicurienne, qui n’avoit point vu les pousseurs de beaux sentiments, dont parle Scarron, son âge n’étant pas de ce temps, mais qui avoit hérité du style et des manières de la grande société françoise, du dix-septième siècle, dont elle avoit vu les derniers beaux jours. Son traité de l’amitié est ravissant. Vauvenargues ignore aussi Mme de Lambert, qui était presque sa contemporaine. Retournons à la conversation du duc de Candale.

Saint-Évremond y fait aimer ses amis, comme il les aime lui-même. S’il n’a point parlé de Fouquet dans cette conversation, c’est que peut-être son intimité avec lui n’étoit point encore profondément établie, en 1650 ; peut-être aussi craignoit-il de le compromettre, en appelant sur lui l’attention, à une époque encore rapprochée de la disgrâce, dans un écrit qui devoit être répandu à la cour,