On ne peut pas juger le monde du dix-septième siècle, sur un type unique de personne, ou de société ; car les types y ont été aussi variés que les mœurs et les idées, depuis les jansénistes jusques aux libertins ; on ne sauroit les confondre, sans manquer à la vérité du tableau. Voici la célèbre Ninon de Lenclos qui personnifie l’influence de l’école d’Épicure sur les femmes de ce siècle, et qui fut l’amie intime de Saint-Évremond. Il semble qu’il ne reste plus rien à dire sur son compte, et pourtant elle peut encore fournir matière à la plus curieuse étude. Cette femme extraordinaire, et d’ordre supérieur, comme disoit Bernier : dont la réputation a été si peu ménagée, et sur le compte de laquelle l’erreur et la sottise ont accumulé tant de traditions mensongères et d’histoires impossibles, mérite qu’on lui consacre quelques pages. L’austère et peu charitable Saint-Simon a dit d’elle :
« Ninon eut des amis illustres de toutes les sortes, et eut tant d’esprit qu’elle les conserva tous, et qu’elle les tint unis entr’eux, ou pour le moins sans le moindre bruit. Tout se passoit chez elle avec un respect et une décence extérieure que les plus hautes princesses soutiennent rarement, avec des