Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/288

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cet autre païen Des-Yveteaux, s’abandonna à la profession déclarée d’une philosophie sensuelle et raffinée. S’attaquant avec une discrétion délicate, mais résolument, à l’institution sociale elle-même, elle entreprit la conquête pour son sexe, ou du moins pour elle, en particulier, de l’indépendance virile. Elle s’appuyait sur le droit de la nature, dont elle faussoit le précepte, tout en l’invoquant avec esprit : reconnoissant toutefois à la société le droit de la contraindre non-seulement au respect des loix sociales, mais encore à la bienséance extérieure, en ce qui les concerne ; et donnant l’exemple invariable de cette bienséance, à titre de bonne éducation. Elle ne vit donc plus dans l’amour qu’un mouvement aveugle, que la sagesse humaine avoit dû soumettre à certaines règles de convenance et d’honneur. L’amour ne lui parut désormais, dit l’abbé de Châteauneuf, qu’un goût fondé sur les sens, un sentiment accidentel, qui ne suppose aucun mérite dans celui qui le fait naître, ni ne l’engage à aucune reconnoissance envers celui qui le satisfait ; en un mot, un caprice dont la durée ne dépend pas de nous, et sujet au dégoût comme au repentir. À l’amitié seule elle réserva son culte et une inviolable fidélité. Pour les dogmes religieux, elle en fit aussi bon marché que de la contrainte de son sexe, en matière d’amour ; bornant tous ses devoirs à vivre comme un honnête homme.

Aussi n’est-ce plus, dorénavant, comme une femme, que les contemporains, de son bord, au moins, ont apprécié Ninon ; le jugement de la femme a été abandonné au vulgaire, et c’étoit une manière d’expiation dont elle s’est peu in-