Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/295

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En ce temps-là, il faut placer le voyage insensé de Ninon à Lyon : voyage motivé par un caprice pour le beau Villars, surnommé Orondate, père du maréchal, et après lequel elle couroit. Pour la seconde fois, elle se jeta dans un couvent, et pour la seconde fois elle en sortit. Le cardinal-archevêque de Lyon, un frère de Richelieu, lui fit là de fréquentes visites, qui n’avoient pas précisément le salut de Ninon pour objet. Un opulent négociant de Lyon, Perrachon, lui offrit des dons considérables, qu’elle refusa. Précédemment, un riche partisan, nommé Fourreau, qui s’étoit épris d’elle, avoit aussi mis sa fortune à sa disposition. Elle en profita, pour répandre des bienfaits. Elle distribuoit des bons au porteur, signés d’elle : « Fourreau payera, etc. » Fourreau paya toujours et eut la délicatesse de ne jamais rien demander à Ninon, qui cessa, par discrétion, seulement, de tirer sur lui.

Son retour à Paris fut marqué par l’aventure retentissante de Navailles, plus tard maréchal, qu’elle emmena chez elle, et auquel elle fit peur, sous le déguisement des propres habits militaires du jeune homme aviné : espièglerie compromettante qui, heureusement pour elle, ne s’est point renouvelée. Un feu léger pour le duc de Candale ; une passade avec le comte de Brancas ; une foiblesse pour un jeune homme intéressant, nommé Moreau, enfin le fameux billet de la Châtre sont du même temps. Il est probable aussi qu’il faut y rapporter l’inénarrable débat de paternité, ouvert entre le maréchal d’Estrées et l’abbé d’Effiat, et qui fut réglé au sort des dés, selon une tradition qui m’est suspecte ; enfin joignons-y une galanterie de quelques mois