Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/313

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peut découvrir que l’épicuréisme n’est pas resté, pour elle, à l’état de théorie, et compter, à son entour une litanie peu édifiante. Mais est-il de bon goût d’aller y voir ce qu’elle-même n’a pas voulu montrer ? Une sorte de curiosité rêveuse et spéculative l’a poussée vers l’inconnu, le scepticisme. On doit l’en plaindre, mais la charité commande d’en rester là, vis-à-vis d’elle. En fait d’amour, Ninon s’étoit donné la liberté d’un homme, comme a fait plus tard la grande Catherine ; mais Ninon eut le cynisme de moins, Saint-Simon en est garant. Ninon, dans sa naïveté, croyoit avoir reconquis son droit naturel de jouir de tous les privilèges des hommes, parmi lesquels elle se comptoit, pour la liberté de la conduite ; et, partant de ce point, elle ne gardoit aucune inquiétude sur le caractère de ses actions. La moderne Leontium n’avoit pas poussé sa philosophie jusqu’à la découverte de la loi véritable et nécessaire, que la destination de la nature, et la constitution de la famille, imposent à la femme, dans une société bien réglée ; mais tout ce que la grâce, la beauté, la délicatesse, l’esprit, de solides vertus, peuvent inspirer d’indulgence, Ninon de Lenclos l’a mérité. Elle rendoit grâce à Dieu, tous les soirs, de son esprit, dit-elle, et le prioit tous les matins, de la préserver des sottises de son cœur. Elle n’a point été exaucée ; la faveur des gens de goût a voulu l’en consoler.

Et ce n’étoient point les hommes seulement qui affluoient aux Tournelles ! Les femmes courent après Mlle de Lenclos, comme d’autres gens y couraient autrefois, disoit Mme de Coulanges. Mme de Sévigné, l’ennemie intime de Ninon, répétoit aussi :