Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/318

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de Mme de Maintenon ; moins aimable que Ninon, et partant moins aimée : mais plus maîtresse d’elle-même, et d’une trempe plus vigoureuse peut-être. Comment ces deux créatures ont pu se rencontrer ? Par la discrétion de l’une, et par les précautions de l’autre, la trace de leur liaison a presque disparu. Mais par ce qui surnage, on peut juger du reste. Je ne veux point, à cette occasion, refaire l’histoire du poëte burlesque dont le personnage a été trop amoindri ; ni celle de sa veuve qui, après la mort de Louis XIV, a été l’objet d’une réaction si violente de l’opinion. De nos jours, on s’est montré plus juste envers Mme de Maintenon ; nous avons même outrepassé la mesure dans la réparation, comme on l’avoit dépassée dans les malédictions. C’est entre les deux extrêmes qu’est le vrai.

Mme de Maintenon a été douée d’un esprit supérieur et d’une habileté consommée. Jetée dans le monde, sans bien, sans appui de famille, quoiqu’avec de la naissance ; mais favorisée par la nature de cette organisation rare qui préserve une femme de l’entraînement, tout en lui conservant la puissance de ses charmes ; elle s’est élevée, avec les seules ressources de son esprit, et dans une époque d’ordre et de régularité, des régions désolées de la misère et de l’abandon, jusqu’aux marches d’un grand trône : épiant, avec patience, l’occasion qui se fit longtemps attendre ; poursuivant, avec une industrie merveilleuse, et des calculs profonds, un sort meilleur qui la fuyoit, et qu’elle atteignit enfin, dans l’âge mûr, après l’avoir manqué dans sa jeunesse : toujours au-dessus de la fortune, adverse ou prospère.