Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/393

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avons indiquées, la philosophie du dix-huitième siècle ne lui a pas été très-sympathique, bien que Saint-Évremond lui fût frayé la voie : les suffrages d’admiration que lui donnoient, à cette époque, ceux qui l’avoient connu, entendu et lu, n’ont eu qu’un foible écho dans les générations qui leur ont succédé. Les Anglois l’ont enseveli à Westminster, au milieu de leurs grands hommes ; Bayle l’a préconisé avec un enthousiasme qui a eu Voltaire pour censeur ; Saint-Évremond étoit encore un personnage pour la Bruyère ; Vauvenargues ne se doute plus de son existence.

En s’éloignant de la scène mouvante de son pays, Saint-Évremond avoit laissé la place libre à des écrivains qui s’exerçoient déjà dans les genres divers de littérature, dont le règne de Louis XIV a fait sa gloire. La Lettre sur la paix des Pyrénées annonçoit l’esprit politique auquel on a dû, plus tard, les Réflexions sur les divers génies du peuple romain. Mais la place d’un homme éminent, qui disparoît du monde, est plutôt prise qu’on ne pense : mal, il est vrai, très-souvent, mais enfin elle est prise, et le monde poursuit son chemin. Ainsi, par son exil de France, et malgré l’éclat dont son talent a brillé dans un pays voisin ; malgré la renommée qu’il conserva, dans un certain cercle de personnes distinguées, à Paris ; Saint-Évremond, il est triste de l’avouer, a pour ainsi dire cessé de compter, pour un temps, dans la société françoise qu’il avoit honorée ; il n’a plus joué de rôle actif dans son pays, dont il a été séparé par toutes sortes d’événements et d’accidents, et à tout le moins par des difficultés de communications, alors bien autres qu’aujourd’hui. Son