Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/405

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part aussi polis, aussi gracieux, que dans l’école de Saint-Évremond, lequel, pour son compte personnel, a écrit cependant, après des badinages pleins de goût, et sous la rude épreuve de l’exil, les Réflexions sur les divers génies du peuple romain. L’auteur de l’Esprit des loix y préludoit aussi par les Lettres persanes, et s’en délassoit par le Temple de Cnide.

Déjà fort connu de tous les beaux esprits de l’Europe, lorsqu’il quitta la France, la considération qu’il acquit en Angleterre le mit encore plus en évidence. Les philosophes de tous les pays y vinrent se grouper autour de lui. Alors commence à se former, à Londres, et bien avant de se montrer à Paris, une bonne compagnie, en quelque sorte européenne, qui s’élève au-dessus des préjugés et des caractères nationaux : véritable tribunal d’opinion publique, absorbant les opinions particulières, et visant au gouvernement de l’humanité civilisée ; le salon de la duchesse Mazarin en a été la métropole momentanée. Saint-Évremond écrivoit au maréchal de Créqui :

« Depuis dix ans que je suis en pays étranger, je me trouve aussi sensible au plaisir de la conversation, et aussi heureux à le goûter, que si j’avois été en France. J’ai rencontré des personnes d’autant de mérite que de considération, dont le commerce a su faire le plus doux agrément de ma vie. J’ai connu des hommes aussi spirituels que j’en aie jamais vu, qui ont joint la douceur de leur amitié à celle de leur entretien. J’ai connu quelques ambassadeurs si délicats, qu’ils me paroissoient faire une perte considérable, autant de