fois que les fonctions de leur emploi suspendoient l’usage de leur mérite particulier.
« J’avois cru autrefois qu’il n’y avoit d’honnêtes gens qu’en notre cour ; que la mollesse des pays chauds, et une espèce de barbarie des pays froids, n’en laissoient former, dans les uns et dans les autres, que fort rarement ; mais, à la fin, j’ai connu par expérience qu’il y en avoit partout ; et si je ne les ai pas goûtés assez tôt, c’est qu’il est assez difficile à un François de pouvoir goûter ceux d’un autre pays que le sien. Chaque nation a son mérite, avec un certain tour qui est propre et singulier à son génie. Mon discernement, trop accoutumé à l’air du nôtre, rejetoit comme mauvais ce qui lui étoit étranger. Pour voir toujours imiter nos modes, dans les choses extérieures, nous voudrions attirer l’imitation, jusques aux manières que nous donnons à notre vertu. »
Reconnoissons, dans ces paroles, un esprit d’universalité, dont le dix-septième siècle françois, en dehors de Bossuet, offre bien peu d’exemples. L’exil n’a point éteint les sentiments françois de Saint-Évremond ; mais il a haussé son entendement à l’idée d’une société humaine, d’une politesse supérieure, d’un art universel, d’une raison générale des choses. Du cercle brillant de la duchesse Mazarin ou de lady Sandwich, à Londres, ou bien du fond de la taverne fameuse de Wyl, où on le voyoit souvent, en compagnie de Waller et du vieux Dryden, il prêtoit l’oreille à tout bruit littéraire ou philosophique, parti de France. Les intérêts de la langue françoise lui étoient aussi chers à Londres qu’à Paris. Lisez sa dissertation si exacte sur l’acception du mot