Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/41

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d’Henri IV jusqu’en 1656, où l’on possédoit les meilleures pièces de Corneille, en même temps que les Provinciales, on a peine à comprendre qu’une littérature ait été ainsi transformée, en quarante-cinq ans. On ne rencontre, d’ailleurs, dans aucune autre histoire, le phénomène d’un dessein prémédité de réformer la langue. Ni dans la Grèce, ni à Rome, ni à la cour de Ferrare, ni à la cour de Weymar, on ne vit rien de pareil. Et pourtant, je n’en ferai pas un mérite à Richelieu, pour qui les lettres ne furent qu’un instrument de publicité, au compte de sa politique ; je n’en ferai pas plus d’honneur aux esprits médiocres qui composèrent les premiers cadres de l’Académie françoise. Le véritable auteur de cette grande réforme, poursuivie avec tant de résolution, et achevée avec tant de succès, fut tout le monde. L’impulsion étoit donnée, bien avant la fondation de l’Académie. Il faut, en effet, compter Malherbe pour quelque chose dans cette révolution, et Malherbe est mort en 1628. Avant la fondation de l’Académie, Balzac avoit publié le Prince (1631), où l’on trouve des pages, rares si l’on veut, mais qui peuvent rester parmi les monuments du beau langage ; et en dehors de l’Académie, Corneille avoit écrit le Cid, qui est de 1636 ; et en dehors de l’Académie, la langue a été fixée par Pascal, en 1656, dans les Provinciales. La Conversation du maréchal d’Hocquincourt est de la même date. Conrart, Vaugelas, Chapelain, Godeau, Desmarets, Voiture, Balzac, et Richelieu à leur tête, ne furent donc que les instruments d’une révolution générale. Leur mérite est de s’être donné la mission de régler ce mouvement