Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/418

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croire aussi qu’ils ne méritent pas de reconnoissance.

Vous en voyez d’autres passer leur vie en formalités et en bienséances ; ils ne vous pardonnent4 pas une cérémonie. Ce sont les premiers hommes du monde, pour consoler sur la mort d’un père, ou pour faire des offres de service, après qu’on a tiré l’épée. Le péril est-il passé ? ils se mettent en garnison chez vous, et ne vous quittent non plus que votre ombre… Ils sont toujours esclaves de la circonspection : grands admirateurs de leur propre vertu, tyrans d’eux-mêmes et de ceux qui leur doivent…

Il faut avouer que ces contraintes gênent extrêmement une âme libre. Il n’est point de bienfait qu’on n’achète trop cher à ce prix ; il n’est point de malheur pire que celui d’être servi de la sorte. Aimer parce qu’on le doit, n’est pas aimer

Cependant, si les amitiés qui ne sont animées que par l’honneur, ou par le devoir, ont je ne sais quoi de languissant ou de fâcheux, celles qui se font par la ressemblance des humeurs, et par la communication des plaisirs, sont fort sujettes au changement.

Puisqu’on se dégoûte quelquefois de soi-


4. Pardonner est pris ici pour faire grâce, épargner. Il étoit souvent employé, dans le sens de Saint-Évremond, au dix-septième siècle.