Le Père eût poussé plus loin la sainte haine qu’il avoit contre la raison : mais on apporta des lettres de la cour à M. le maréchal ; ce qui rompit un si pieux entretien. Le maréchal les lut tout bas, et, après les avoir lues, il voulut bien dire à la compagnie ce qu’elles contenoient : « Si je voulois faire le politique, comme les autres, je me retirerois dans mon cabinet, pour lire les dépêches de la cour ; mais j’agis et je parle toujours à cœur ouvert. M. le cardinal me mande que Stenay est pris[1], que la cour sera ici dans huit jours, et qu’on me donne le commandement de l’armée qui a fait le siége, pour aller secourir Arras, avec Turenne et La Ferté. Je me souviens bien que Turenne me laissa battre par M. le Prince[2], lorsque la cour étoit à Gien : peut-être que je trouverai l’occasion de lui rendre la pareille. Si Arras étoit sauvé, et Turenne battu, je serois content : j’y ferai ce que je pourrai : je n’en dis pas davantage[3]. »
Il nous eut conté toutes les particularités de
- ↑ Stenay fut pris le 6 d’août 1654.
- ↑ Le maréchal veut parler du combat de Bléneau, livré le 7 d’avril 1652, et où d’Hocquincourt fut battu, parce qu’il fut surpris par un capitaine plus habile que lui, et non parce que Turenne le laissa battre.
- ↑ Turenne ne fut pas battu, mais les trois maréchaux, ayant forcé les lignes espagnoles, entrèrent dans Arras, et obligèrent le prince de Condé à se retirer.