Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/455

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croyois rien. Depuis ce temps-là, je me ferois crucifier pour la religion. Ce n’est pas que j’y voie plus de raison ; au contraire, moins que jamais : mais je ne saurois que vous dire, je me ferois crucifier, sans savoir pourquoi. »

« Tant mieux, Monseigneur, reprit le Père d’un ton de nez fort dévot, tant mieux ; ce ne sont point mouvements humains, cela vient de Dieu. Point de raison ! C’est la vraie religion, cela. Point de raison ! Que Dieu vous a fait, Monseigneur, une belle grâce ! Estote sicut infantes ; soyez comme des enfants. Les enfants ont encore leur innocence ; et pourquoi ? Parce qu’ils n’ont point de raison. Beati pauperes spiritu ! bienheureux les pauvres d’esprit ! ils ne pèchent point. La raison ? C’est qu’ils n’ont point de raison. Point de raison ; je ne saurois que vous dire ; je ne sais pourquoi ! Les beaux mots ! Ils devroient être écrits en lettres d’or. Ce n’est pas que j’y voie plus de raison ; au contraire, moins que jamais. En vérité, cela est divin, pour ceux qui ont le goût des choses du ciel. Point de raison ! Que Dieu vous a fait, Monseigneur, une belle grâce[1] !  »

  1. Voy. Bayle, dans le troisième Éclaircissement mis à la fin de son Dictionnaire ; et la satire de Voltaire, intitulée : le Père Nicodème et Jeannot.