Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/458

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Père, il prenoit indécemment tous les chevaux qui approchoient de lui pour des cavales. « Et que vois-je, mon Père, lui dis-je en l’abordant ; quel cheval vous a-t-on donné là ? Où est la monture du bon P. Suarez, que vous avez tant demandée ? »

« Ah ! monsieur, je n’en puis plus, je suis roué !… »

Il alloit continuer ses plaintes, lorsqu’il part un lièvre : cent cavaliers ses débandent pour courir après, et on entend plus de coups de pistolet qu’à une escarmouche. Le cheval du Père, accoutumé au feu, sous le maréchal, emporte son homme, et lui fait passer, en moins de rien, tous ces débandés. C’étoit une chose plaisante de voir le jésuite à la tête de tous, malgré lui. Heureusement le lièvre fut tué, et je trouvai le Père au milieu de trente cavaliers qui lui donnoient l’honneur d’une chasse qu’on eût pu nommer une Occasion.

Le Père recevoit la louange avec une modestie apparente, mais, en son âme, il méprisoit fort le mansuetum du bon P. Suarez, et se savoit le meilleur gré du monde des merveilles qu’il pensoit avoir faites sur le barbe de M. le maréchal. Il ne fut pas longtemps sans se souvenir du beau dit de Salomon : Vanitas vanitatum, et omnia vanitas. À mesure qu’il se refroidissoit, il sentoit un mal que la chaleur lui avoit