Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/459

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rendu insensible ; et la fausse gloire cédant à de véritables douleurs, il regrettoit le repos de la société, et la douceur de la vie paisible qu’il avoit quittée. Mais toutes ses réflexions ne servoient de rien. Il falloit aller au camp ; et il étoit si fatigué du cheval, que je le vis tout prêt d’abandonner Bucéphale, pour marcher à pied, à la tête des fantassins.

Je le consolai de sa première peine, et l’exemptai de la seconde, en lui donnant la monture la plus douce qu’il auroit pu souhaiter. Il me remercia mille fois, et fut si sensible à ma courtoisie, qu’oubliant tous les égards de sa profession, il me parla moins en jésuite réservé, qu’en homme libre et sincère[1]. Je lui demandai quel sentiment il avoit de M. d’Hocquincourt. « C’est un bon seigneur, me dit-il, c’est une bonne âme ; il a quitté les jansénistes : nos Pères lui sont fort obligés ; mais, pour mon particulier, je ne me trouverai jamais à table, auprès de lui, et ne lui emprunterai jamais de cheval. »

Content de cette première franchise, je voulois m’en attirer encore une autre. « D’où vient, continuai-je, la grande animosité qu’on voit entre les jansénistes et vos Pères ? Vient-elle

  1. M. de Saint-Évremond avoit fait sa rhétorique, sous le P. Canaye, au collége de Clermont, et l’on voit qu’il lui avoit conservé un reconnaissant souvenir.