Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/464

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lant faire des saints de tous les hommes, n’en trouvent pas dix, dans un royaume, pour faire des chrétiens tels qu’ils les veulent. Le christianisme est divin, mais ce sont des hommes qui le reçoivent ; et, quoi qu’on fasse, il faut s’accommoder à l’humanité. Une philosophie trop austère fait peu de sages ; une politique trop rigoureuse peu de bons sujets ; une religion trop dure peu d’âmes religieuses qui le soient longtemps. Rien n’est durable, qui ne s’accommode à la nature : la grace dont nous parlons tant, s’y accommode elle-même. Dieu se sert de la docilité de notre esprit et de la tendresse de notre cœur, pour se faire aimer. Il est certain que les docteurs trop rigides donnent plus d’aversion pour eux que pour les péchés : la pénitence qu’ils prêchent, fait préférer la facilité qu’il y a de demeurer dans le vice, aux difficultés qu’il y a d’en sortir.

« L’autre extrémité me paroît également vicieuse. Si je hais les esprits chagrins qui mettent du péché en toutes choses, je ne hais pas moins les docteurs faciles et complaisants qui n’en mettent à rien, qui favorisent le dérèglement de la nature, et se rendent partisans secrets des méchantes mœurs. L’Évangile, entre leurs mains, a plus d’indulgence que la morale : la religion ménagée par eux, s’oppose plus foiblement au crime que la raison. J’aime les gens