Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/505

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On me dira qu’Horace avoit très-bon goût, en toute chose ; c’est ce qui me fait croire que ceux de son temps ne l’avoient pas : car son goût consistoit principalement à trouver le ridicule des autres. Sans les impertinences, les affectations, les fausses manières dont il se moquoit, la justesse de son sens ne nous paroîtroit pas aujourd’hui si grande.

DE LA POÉSIE.

Le siècle d’Auguste a été celui des excellents poëtes, je l’avoue ; mais il ne s’ensuit pas que c’ait été celui des esprits bien faits. La poésie demande un génie particulier, qui ne s’accommode pas trop avec le bon sens. Tantôt, c’est le langage des dieux ; tantôt c’est le langage des fous, rarement celui d’un honnête homme. Elle se plaît dans les fictions, dans les figures : toujours hors de la réalité des choses ; et c’est cette réalité qui peut satisfaire un entendement bien sain.

Ce n’est pas qu’il n’y ait quelque chose de galant, à faire agréablement des vers ; mais il faut que nous soyons bien maîtres de notre génie, autrement l’esprit est possédé de je ne sais quoi d’étranger, qui ne lui permet pas de disposer assez facilement de lui-même. Il faut être sot, disent les Espagnols, pour ne pas faire deux vers : il faut être fou pour en faire qua-