Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/511

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mérite perd la moitié de son charme, sitôt qu’elle se produit. Les complaisances de l’amour-propre venant à s’évanouir insensiblement, il ne nous reste qu’un dégoût de sa douceur, et de la honte pour une vanité aussi follement conçue que judicieusement quittée.

Pour égaler Malherbe aux anciens, je ne veux rien de plus beau que ce qu’il a fait. Je voudrois seulement retrancher de ses ouvrages ce qui n’est pas digne de lui. Nous lui ferions injustice de le faire céder à qui que ce fût ; mais il souffrira, pour l’honneur de notre jugement, que nous le fassions céder à lui-même.

On peut dire la même chose de Corneille. Il seroit au-dessus de tous les tragiques de l’antiquité, s’il n’avoit été fort au-dessous de lui en quelques-unes de ses pièces : il est si admirable dans les belles, qu’il ne se laisse pas souffrir ailleurs médiocre. Ce qui n’est pas excellent en lui me semble mauvais ; moins pour être mal, que pour n’avoir pas la perfection qu’il a su donner à d’autres choses. Ce n’est pas assez à Corneille de nous plaire légèrement ; il est obligé de nous toucher. S’il ne ravit nos esprits, ils emploieront leurs lumières à connoître, avec dégoût, la différence qu’il y a de lui à lui-même. Il est permis à quelques auteurs de nous émouvoir simplement. Ces émotions in-