Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/528

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avec ces beaux et généreux mouvements, si elles ne sont toutes deux bien conduites, l’une deviendra ruineuse, et l’autre funeste.

Ceux qui se trouvent ruinés, par quelque accident de la fortune, sont plaints d’ordinaire de tout le monde, parce que c’est un malheur, dans la condition humaine, à quoi tout le monde est sujet. Mais ceux qui tombent dans la misère, par une vaine dissipation, s’attirent plus de mépris que de pitié, pour être l’effet d’une sottise particulière, dont chacun se tient exempt, par la bonne opinion qu’il a de lui-même. Ajoutez que la nature souffre toujours un peu, dans la compassion ; et, pour se délivrer d’un sentiment douloureux, elle envisage la folie du dissipateur, au lieu de s’arrêter à la vue du misérable. Toutes choses considérées, c’est assez aux particuliers d’être bienfaisants ; encore, ne faut-il pas que ce soit par une facilité de naturel, qui laisse aller nonchalamment ce qu’on n’a pas la force de retenir. Je méprise une foiblesse, que l’on appelle mal à propos libéralité, et ne hais pas moins ces humeurs vaines, qui ne font jamais aucun plaisir, que pour avoir celui de le dire.

SUR LES INGRATS.

Il y a beaucoup moins d’ingrats qu’on ne croit, car il y a bien moins de généreux