Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/527

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presque toujours, par le sentiment d’une autre vertu. La bonté, l’amitié, la bienveillance en font faire ; la charité court au besoin du prochain, la libéralité donne, la générosité fait obliger. La justice, qui devroit entrer en tout, est rejetée comme une fâcheuse ; et la nécessité, seulement, lui fait donner quelque part, en nos actions. La nature cherche à se complaire, dans ces premières vertus, où nous agissons par un mouvement agréable : mais elle trouve une secrète violence, en celle-ci, où le droit des autres exige ce que nous devons, et où nous nous acquittons plutôt de nos obligations, qu’ils ne demeurent redevables à nos bienfaits.

C’est par une aversion secrète pour la justice, qu’on aime mieux donner que de rendre, et obliger que de reconnoître : aussi voyons-nous que les personnes libérales et généreuses ne sont pas ordinairement les plus justes. La justice a une régularité qui les gêne, pour être fondée sur un ordre constant de la raison, opposé aux impulsions naturelles, dont la libéralité se ressent presque toujours. Il y a je ne sais quoi d’héroïque, dans la grande libéralité, aussi bien que dans la grande valeur ; et ces deux vertus ont de la conformité, en ce que la première élève l’âme, au-dessus de la considération du bien, comme la seconde pousse le courage, au delà du ménagement de la vie. Mais,