Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/549

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autres religions remuent, dans le fond de son âme, des sentiments qui l’agitent, et des passions qui le troublent. Elles soulèvent contre la nature des craintes superstitieuses, ou des zèles furieux, tantôt pour sacrifier ses enfants, comme Agamemnon, tantôt pour se dévouer soi-même, comme Décie13. La seule religion chrétienne appaise ce qu’il y a d’inquiet : elle adoucit ce qu’il y a de féroce ; elle emploie ce que nous avons de tendre, en nos mouvements, non-seulement avec nos amis et avec nos proches, mais avec les indifférents, et en faveur même de nos ennemis.

Voilà quelle est la fin de la religion chrétienne, et quel en étoit autrefois l’usage. Si on en voit d’autres effets aujourd’hui, c’est que nous lui avons fait perdre les droits qu’elle avoit sur notre cœur, pour en faire usurper à nos imaginations sur elle. De là est venue la division des esprits, sur la créance, au lieu de l’union des volontés, sur les bonnes œuvres ; en sorte que ce qui devoit être un lien de charité, entre les hommes, n’est plus que la matière de leurs contestations, de leurs jalousies, et de leurs aigreurs.



13. Pub. Decius Mus, qui se dévoua aux dieux infernaux, en 340, avant Jésus-Christ, pour assurer la victoire aux Romains, contre les latins. Son fils renouvela le même dévouement, contre les Gaulois ombriens, et son petit-fils, contre Pyrrhus, en 279.