Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/555

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crets, à qui ouvrir votre cœur, à qui découvrir votre âme, qu’à un ami ? Et quelle gêne seroit-ce d’être tout resserré en soi-même, de n’avoir que soi pour confident de ses affaires, et de ses plaisirs ? Les plaisirs ne sont plus plaisirs, dès qu’ils ne sont pas communiqués. Sans la confiance d’un ami, la félicité du ciel serait ennuyeuse3. J’ai observé que les dévots les plus détachés du monde, que les dévots les plus attachés à Dieu, aiment en Dieu les dévots, pour se faire des objets visibles de leur amitié. Une des grandes douceurs qu’on trouve à aimer Dieu, c’est de pouvoir aimer ceux qui l’aiment.

Je me suis étonné, autrefois, de voir tant de confidents et de confidentes sur notre théâtre : mais j’ai trouvé, à la fin, que l’usage en avoit été introduit fort à propos ; car une passion, dont on ne fait aucune confidence à personne, produit plus souvent une contrainte fâcheuse, pour l’esprit, qu’une volupté agréable, pour les sens. On ne rend pas un commerce amoureux public, sans honte ; on ne le tient pas fort secret, sans gêne. Avec un confident, la conduite est plus sûre, les inquiétudes se rendent plus légères, les plaisirs redoublent, toutes les peines diminuent. Les poëtes, qui connoissent


3. Pensée d’un ancien.