Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/574

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pense à l’Éternité, dans cet état, ce n’est point pour appréhender les maux dont on nous menace, ou pour espérer la gloire que l’on nous promet ; c’est dans la seule vue d’aimer éternellement, qu’on se plaît à envisager une éternelle durée. Où l’amour a su régner une fois, il n’y a plus d’autre passion qui subsiste d’elle-même. C’est par lui qu’on espère et que l’on craint ; c’est par lui que se forment nos joies et nos douleurs : le soupçon, la jalousie, la haine même, deviennent insensiblement de son fond ; et toutes ces passions, de distinctes et particulières qu’elles étoient, ne sont plus, à le bien prendre, que ses mouvements. Je hais un vieil impie, comme un méchant, et le méprise, comme un malhabile homme, qui n’entend pas ce qui lui convient. Tandis qu’il fait profession de donner tout à la nature, il combat son dernier penchant vers Dieu, et lui refuse la seule douceur qu’elle lui demande. Il s’est abandonné à ses mouvements, tant qu’ils ont été vicieux ; il s’oppose à son plaisir, sitôt qu’il devient une vertu. Toutes les vertus, dit-on, se perdent au ciel, à la réserve de la charité, c’est-à-dire, l’amour ; en sorte que Dieu, qui nous le conserve, après la mort, ne veut pas que nous nous en défassions jamais, pendant la vie.