Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/584

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Je pardonne à nos religieux la triste singularité de ne manger que des herbes, dans la vue qu’ils ont d’acquérir par là une éternelle félicité ; mais, qu’un philosophe qui ne connoît d’autres biens que ceux de ce monde : que le docteur de la volupté se fasse un ordinaire de pain et d’eau, pour arriver au souverain bonheur de la vie, c’est ce que mon peu d’intelligence ne comprend point. Je m’étonne qu’on n’établisse pas la volupté d’un tel Épicure, dans la mort ; car, à considérer la misère de sa vie, son souverain bien devoit être à la finir. Croyez-moi, si Horace et Pétrone se l’étoient figuré, comme on le dépeint, ils ne l’auroient pas pris pour leur maître, dans la science des plaisirs.

La piété qu’on lui donne pour les dieux, n’est pas moins ridicule que la mortification de ses sens. Ces dieux oisifs, dont il ne voyoit rien à espérer ni à craindre ; ces dieux impuissants, ne méritoient pas la fatigue de son culte. Et qu’on ne me dise point qu’il alloit au temple, de peur de s’attirer les magistrats, et de scandaliser les citoyens ; car, il les eût bien moins scandalisés, pour n’assister pas aux sacrifices, qu’il ne les choqua, par des écrits qui détruisoient des dieux établis dans le monde, ou ruinoient au moins la confiance qu’on avoit en leur protection.

Mais quel sentiment avez-vous d’Épicure,